Compartiment no 6


Traduction de l'échantillon

Translator: Anne Papart

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-Je suis l’Homme de Fer , travailleur métallurgiste et ouvrier du bâtiment de leurs Altesses de Moscou. Mon nom est Vadim Nicolaïev Ivanov. Pour vous seulement Vadim. Vous voulez un peu de thé ? Dans le thé il y a des vitamines, donc ça vous ferait du bien d’en boire une tasse ou deux. J’ai déjà eu le temps de me dire que les gars m’ont rudement puni de m’enfermer dans la même cage qu’une Estonienne. Il y a une différence entre la respublika Finlandskaia et la respublika Estonskaia Sovietskaia. Les Estoniens ont le nez crochu des nazis, mais les Finlandais sont faits du même gras que nous. La Finlandia est une petite pomme de terre lointaine là-haut dans le nord. Avec vous autres y a pas de souci. Tous les peuples nordiques du monde sont faits de la même soupe, c’est la fierté du Nord qui vous unit. Mademoiselle est quand même la première Finlandaise que j’aie jamais vue. Mais j’ai entendu beaucoup de choses sur vous. Chez vous il y a la prohibition.

Il versa le thé noir dans la tasse de la jeune fille. Elle le goûta prudemment. Il dégustait son thé à petites gorgées, se leva et défit son lit. Il se déshabilla pudiquement, d*abord les vêtements du haut, puis les pantalons taillés dans un tissu épais, la ceinture de cuir étroite, la veste légère cousue dans un tissu grossier et enfin la chemise blanche. Il les plaça en un tas bien rangé au pied du lit. Il mit un pyjama bleu ciel rayé, et se blottit entre les draps amidonnés. Bientôt elle vit apparaître de sous la couverture les orteils retroussés, négligés et et abîmés par les mauvaises chaussures et les talons râpés et fendus.

-Bonne nuit, dit-il, faiblement, presque dans un chuchotement et il s’endormit aussitôt.

Elle veilla longtemps. Dans l’obscurité du compartiment, les verres de thé et leurs ombres se déplaçaient constamment sans s’arrêter nulle part. Elle avait voulu partir loin de Moscou parce qu’elle avait besoin d’une distance par rapport à sa vie, mais maintenant elle en avait la nostalgie. Elle pensait à Mitka, à Irina, la mère de Mitka, au père d’Irina, Zahar, et à elle-même –qu’adviendrait-il d’eux ? Elle pensait à leur maison commune qui était vide maintenant. Il n’y avait même pas les chats, mademoiselle Saleté et Monsieur Poubelle. La locomotive sifflait, les rails grinçaient, le train frappait le sol de coups métalliques. L’homme ronfla à voix basse toute la nuit. Le bruit lui rappelait son père et elle se sentait en sécurité. Finalement au petit matin, quand les ombres commencèrent à rétrécir, elle s’endormit, dans un sommeil blanc et mousseux.

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